mercredi 29 juin 2011

Moussa Sarr, porte parole de la Ligue démocratique (LD)


« Ce ticket pose beaucoup de problème » 
 La Ligue démocratique condamne le projet de loi instituant l’élection simultanée du président de la république et de son vice-président. Dans cet entretien, Moussa Sarr, porte parole de ce parti, fustige l’attitude du président de la République et dévoile le plan de Bennoo siggil Sénégal pour contrecarrer ce projet de loi.
Comment avez –vous accueilli ce projet de loi instituant l’élection simultanée du président et du Vice-président ?
Nous avons accueilli ce projet de loi du président de la République qui doit probablement être voté demain jeudi 23 juin par l’Assemblée nationale avec grande déception, de tristesse. Cela montre que le président Wade a décidé de mettre en cause tous les acquis démocratiques qui sont conquis dans ce pays au terme de multiples sacrifices des décennies durant par des générations. C’est pourquoi nous pensons que ce ticket pose plusieurs problèmes. D’abord le Sénégal est un petit pays qui n’a pas besoin d’un vice-président. Depuis 2009 que le président a décidé d’instituer le poste du vice-président, le poste est vacant. Le deuxième problème le plus grave, c’est la suppression de fait du 2eme tour. Il est proposé quelque part dans le texte que le ticket qui arriverait en tête avec seulement 25% au premier tour gagnerait l’élection présidentielle. Au niveau de la Ligue démocratique, nous avons dénoncé ce projet. Nous appelons l’ensemble de nos militants et sympathisants, la coalition Bennoo siggil Sénégal, les chefs religieux, l’armée, l’ensemble des segments de la population à prendre ses responsabilités. Chacun ce qui le concerne parce que nous sommes en train de construire une démocratie. En 2000, Abdou Diouf avait perdu l’élection présidentielle avec 41%. Donc si en 2011, Abdoulaye Wade nous propose 25% pour passer, nous estimons que c’est inacceptable parce ce que c’est un recul de la démocratie. Pour cette raison là, nous sommes décidés à combattre ce projet de loi.
Mais comment allez-vous faire pour le combattre ?
Ce que nous sommes en train de faire d’abord, c’est de dénoncer publiquement ce projet de loi. Ensuite depuis avant hier (NDLR : lundi 20 juin) vous avez vu des segments de la population, notamment les jeunes des partis de l’opposition, ont commencé à investir la rue. Bennoo siggil Sénégal travaille de concert avec la société civile. Nous encourageons cette synergie au niveau de la Ligue démocratique parce que ce problème n’interpelle pas seulement les partis politiques. Ce problème interpelle l’ensemble de la société sénégalaise. C’est pourquoi, les partis politiques, les organisations de la société civile doivent travailler de concert et c’est cela qui est en train de se faire pour ensemble dégager des actions concrètes. Nous appelons l’ensemble de nos militants à joindre leurs actions concrètes qui seront décidées sur le terrain à Dakar, partout à travers le pays. Il faut aussi se rendre au niveau des partenaires du Sénégal qui sont les ambassadeurs, les partenaires au développement. Le secrétariat exécutif permanent (SEP) de la Ligue démocratique s’est réuni hier et nous lançons un appel à la CEDEAO, l’UA, l’ONU pour que ces organisations de la communauté internationale puissent assurer entièrement leurs responsabilités et demandent au président de la République de revenir sur ce projet de loi là. Si jamais ce projet passe le Sénégal ne sera pas à l’abri de convulsions dramatiques. La communauté internationale ne doit pas attendre que les conséquences arrivent pour réagir.
Vous parliez de suppression du 2eme tour mais pour maitre Babou (NDLR : président de la commission des lois à l’assemblée) ce projet de loi ne supprime pas le 2eme tour ?
(Il coupe)Il supprime de fait le 2eme tour parce qu’un président de la République sortant, il lui est facile avec tous les moyens dont il dispose d’avoir 25% au premier tour. Le problème n’est pas cela. Même nous, au niveau de la Bennoo siggil Sénégal, si notre candidat gagne avec 25%, nous pensons qu’il sera un président illégitime. Il est inacceptable qu’un président soit élu avec 25% des suffrages exprimés. Cela signifie qu’il y a 75% qui sont contre lui et il ne sera pas légitime. Ça va créer des problèmes au niveau du pays. Telles que les dispositions sont énoncées par le projet actuel, de fait, le 2eme tour sera supprimé.
Ce qui vous dérange au niveau de ce projet de loi, c’est la question de la légitimité du président et son colistier ?
Oui , parce qu’un président doit être légitime. Il faut au moins la moitié des suffrages exprimés c’est-à-dire 50% ou 51% au moins pour être élu. Il n’y a aucun pays au monde qui élit son président avec 25%. Dans les pays où il n’y a pas de 2eme tour comme en Argentine, il est exigé 40% pour gagner au premier tour. Ce qui nous gène aussi dans ce projet de loi, c’est le ticket qui n’a pas de sens, mais ce qui est dramatique, c’est la suppression de fait du second tour. C’est pour cela qu’on demande à l’ensemble des Sénégalais de s’opposer avec tous les moyens.
Certains disent que ce projet de loi va régler le problème de la dévolution monarchique du pouvoir ?
(Il coupe) Non c’est faux. Ce sont les laudateurs du président de la République qui veulent faire croire au peuple que la dévolution monarchique du pouvoir  n’existera pas. Si vous lisez bien les dispositions du projet actuel, vous verrez qu’un ticket sera élu et le président élu s’il venait à être indisponible pour l’exercice de la fonction du président en cas de vacance du pouvoir, le vice-président va passer président et il va nommer un vice-président. Et ce dernier qui sera nommé peut parfaitement être le fils du président. Et c’est ça qui est curieux. Le vice-président, qui est devenu président en vacance du pouvoir, peut nommer qui il veut. Il peut nommer Karim Wade, le fils du président. Quelque temps après, le président peut démissionner de son poste et le vice-président qui est ici le fils du président va passer président de la République. Donc c’est faux de dire qu’il va mettre fin au débat de la succession monarchique du pouvoir.


Et si le projet passe, quelle sera l’attitude de l’opposition ?
Probablement demain, l’Assemblée nationale va voter le projet car nous ne sommes pas à l’Assemblée et nous avons des députés qui sont à la solde du président. On a entendu des députés dire qu’ils sont des députés de Wade. Nous ne faisons pas d’illusion. Cette majorité mécanique va voter ce projet. Maintenant, une fois que la loi est votée, Bennoo siggil Sénégal va se réunir et va apprécier à nouveau et prendre des dispositions nouvelles.
Donc peut-on s'attendre à une descente dans la rue de Bennoo siggil Sénégal ?
Oui, nous demandons à ce que les populations investissent la rue parce qu’on est arrivé à la conclusion selon laquelle les simples dénonciations ne suffisent pas. Avec ce président là, le peuple doit rester debout, occuper la rue comme cela se fait partout à travers le monde notamment au Maghreb. Je crois que la leçon est là. En Tunisie, en Egypte, on nous a offert une leçon que nous devons méditer pour prendre en charge notre destin.
Propos recueillis par Saliou SECK
 

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